La société civile guinéenne en question

  • La société civile guinéenne

 

Le concept de la société civile tient des rapports à l’Etat ainsi que des différences avec l’Etat. Cette approche qui traduit la nécessité de l’hégémonie culturelle et idéologique, repose par ailleurs sur l’organisation et la conscientisation citoyenne. Aussi, une société dite civile se réalise dans la poursuite d’un but en relation avec le bien commun.

Dans cette optique la société civile guinéenne se singularise aujourd’hui par un manque palpable de cohésion au terme de l’exercice des régimes successifs qui ont marqué l’histoire de la Guinée post-coloniale. Le ciment qui devait unir des identités fortes a en effet été laminé par manipulations du régent actuel virtuose de l’art de diviser pour régner, avec pour conséquence l’avortement de l’éclosion d’une entité civile organisée et consciente. Les dérives du pouvoir actuel soucieux de perpétuer son règne par tous les moyens y compris la division et le clientélisme des partis politiques (préoccupés par la préservation de leur base politique) ont ainsi façonné une société au fond désunie bien qu’en apparence soudée. Une société si désunie au point d’être incapable d’opposer un front commun aux dérives et aux exactions qu’aucun autre peuple n’aurait supportées. Les clivages entre composantes sociales (ethnies, nantis et pauvres, Guinéens de l’intérieur et diasporas, civils et militaires) aujourd’hui visibles sont bien les marques d’une ère que nous pensions révolue, dont les démons semblent resurgir.

L’indifférence, la peur et l’individualisme sont ainsi les tares qui caractérisent à ce jour la population guinéenne dont le potentiel intellectuel et culturel est pourtant des plus élevés dans la sous région.

 

  • La communauté guinéenne de France

 

La communauté guinéenne de France est la plus éparse parmi la diaspora nationale à travers le monde. En effet c’est en France que les divisions semées dans pays le d’origine ont une résonance particulière, de même que le poids de la communauté qui y vit est psychologiquement plus pesant pour les autorités guinéennes. La présence et l’influence de la puissance ex colonisatrice sur la politique africaine (liens historiques obligent) fixent ce fait.

Une compétition pour le leadership des forces extérieures participant à la vie du pays s’annonce avec les ressortissants guinéens des autres diasporas (USA notamment). Si son potentiel économique est en dessous de celui d’autres diasporas, son influence au pays demeure cependant primordiale, à condition de parvenir à une plus grande cohésion.

 

  • Les partis politiques et le mouvement social

 

Il convient d’emblée de poser la question suivante : quels types de partis politiques existent en Afrique ?  En effet, les rapports entre la société civile et les partis politiques sont plus complexes que dans les pays où les partis se sont constitués dans un contexte de lutte sociale générée par un environnement industriel et  économique particulier. Il faut rappeler à ce sujet que selon la pensée marxiste, chaque classe sociale pouvait et devait être représentée dans la lutte politique par des partis différents. Les partis politiques ont cependant un rôle à jouer car c’est dans leur mouvance que s’expriment les revendications de la société.

Par ailleurs le combat pour les droits de l’homme fait partie du combat des partis politiques visant à faire respecter le droit à la vie et à la dignité humaine et  la cause sociale peut être sous jacente à l’engagement politique. Concernant les évènements qui secouent le pays depuis des mois, le point de convergences entre le politique et le social est le refus d’une injustice à l’origine du soulèvement, à savoir l’entrave faite par le président de la république au respect de la constitution en vigueur. Cet évènement est en fait la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà rempli (misère, chômage, corruption, injustice etc.)

La méfiance de la société civile envers les politiques est compréhensible, cependant la nécessité d’un front commun (organisations, société civiles et partis politiques) s’impose.

 

  • La mobilisation

 

Les évènements des derniers mois ont ébranlé le pouvoir en Guinée. Ils portent incontestablement le sceau d’une aspiration manifeste au changement tant par l’ampleur des bouleversements sur la vie du pays que par son écho au-delà des limites du pays. Un tel avènement est le fruit d’une conscientisation forte du peuple, au sens ou il ne s’était pas autant manifesté pour d’autres faits répréhensibles auxquels l’incident déclencheur venait s’ajouter. Ainsi l’élan  mobilisateur, en transcendant les barrières psychologiques est bien l’exutoire d’une prise de conscience préalable.

Bien qu’exceptionnelle cette mobilisation demeure temporelle et elle n’est pas le rassemblement.

 

  • Le Rassemblement après la Mobilisation

 

Si la mobilisation est circonstancielle le rassemblement a un caractère permanent. On peut s’imaginer que dans un contexte de ralliement permanent les dérives du pouvoir n’auraient pu atteindre le seuil de l’intolérable. Les organisations régissant la société civile ont certes un rôle de porte-paroles et de négociateurs aptes à déclencher les mécanismes de la prévention alors que le rassemblement procède de la prévision. C’est-à-dire qu’en cas d’échec des dispositifs de prévention ce sont ceux de la prévision qui entrent en jeu en situation réelle. Transformer la mobilisation en rassemblement est dès lors salutaire.

L’Afrique, en l’occurrence notre pays la Guinée riche de traditions séculaires devrait s’appuyer sur ses propres valeurs pour son devenir. Elle devrait user des ressorts traditionnels pour résoudre ses problèmes quand ils sont d’ordre social.

Ainsi la position sociale des doyens dans la société traditionnelle confère t-il à ceux-ci le profil naturel de rassembleurs requis en matière de conseils et de médiation. En outre la communauté guinéenne compte parmi cette catégorie des intellectuels de haut niveau. L’ébauche d’un conseil supérieur initié ou encadré par les dits doyens pourrait être la solution. Il sera nécessaire d’intégrer à la communauté des Guinéens de la génération actuelle, les jeunes qui de fait sont l’avenir du pays, et parmi lesquelles figurent beaucoup d’étudiants.

 

 Sékou DIAWARA, Président de la Commission des Cadres de PE.D.N France

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