Une odyssée récente en Guinée : Conakry-Siguiri !

Quand on regarde objectivement l’état de notre capitale, de nos villes et villages, de notre pays dans son ensemble, on se dit que la Guinée a réellement besoin aujourd’hui de façon vitale d’un Consensus National sur les grands sujets, qui concernent le passé et l’avenir de notre Nation, comme par exemple la réforme de l’Etat. Ce consensus est indispensable et passe obligatoirement par un Dialogue National Inclusif pour une saine Réconciliation.

Je voudrais vous livrer ici le récit d’un court séjour d’une douzaine de jours au pays. J’ai quitté Paris Charles-De-Gaulle pour Conakry un jour de grève générale où les taxis parisiens devaient bloquer l’autoroute A1. Par chance notre vol n’a eu qu’une heure de retard. Prévu à 13h30, l’avion a décollé à 14heures 30 après des négociations avec les aiguilleurs du ciel. Partis donc à 14heures 20 nous avons atterri à 21heurs 35 à Conakry après une bonne heure d’escale à Freetown, une capitale peu éclairée. A peine vingt minutes après avoir décollé de Freetown, j’ai vu de l’avion Conakry et j’ai eu l’agréable surprise de voir une capitale étincelante de lumière. J’avoue que mon « ego national » a été fortement titillé. Merci Kaléta, car auparavant et il n’y a si longtemps encore Conakry était pratiquement invisible la nuit en avion.

Hélas, malheureusement ce bon éclairage public par une desserte quasiment permanente de la capitale en électricité reste la seule bonne surprise dans ma mémoire. Pour le reste mes souvenirs sont émaillés par des images de désordre, de confusion, de violence, d’insalubrité et un manque total d’hygiène publique!

L’état de la circulation à Conakry.

La circulation dans la ville est à l’image du reste de la vie publique qui est une sainte pagaille doublée d’une confusion et d’un désordre absolus! Pas de priorité, pas de feux rouges, pas de stop, pas de cédez-le passage, bref aucune signalisation, ni d’application des règles élémentaires de la circulation. Les taxis pour passer ou dépasser donnent toujours l’impression de se ruer sur les voitures particulières avec une imprudence et une violence peu communes.
Les conducteurs de voitures et de motos ne connaissent pas l’usage des freins, ils ne savent se servir que des avertisseurs sonores, et encore pas toujours ! Tous les carrefours et ronds-points sont toujours embouteillés, on y passe difficilement avec la peur au ventre dans un tintamarre assourdissant. Et là c’est sauve qui peut! Chacun y allant au culot avec une audace qui défie tout le monde.

Les trottoirs sont des endroits prisés de beaucoup de conducteurs ce qui met les piétons en danger permanent ! Je me hasardais à faire mon footing au petit matin sur les trottoirs des transversales entre Cosa et Sonfonia, croyez moi que pour éviter de me faire renverser par des automobilistes ou par des motocyclistes c’était une véritable gageure, pour ne pas dire un vrai risque.
Pratiquement tous les espaces vacants sont soit des parcs d’automobiles d’occasion en vente, soit des garages à ciel ouvert de réparation de vielles voitures. En Guinée la mécanique sauvage a encore de très beaux jours devant elle.

L’état général de la ville.

Aujourd’hui beaucoup d’endroits dans plusieurs quartiers de la capitale comme Coronthy, Almamya, Château d’eau, Cité de l’air, Kipé, Bambéto…. donnent l’impression d’avoir été bombardés ! Dans ces quartiers le pouvoir a procédé à la destruction des maisons souvent qui bordent certaines rues. Ceci à cause de l’opération de récupération des espaces publics occupés par des personnes. Ces maisons ont été bâties ouvertement, au vu et au su des pouvoirs publics! Ce qui montre la faillite de l’administration guinéenne depuis fort longtemps.
Nulle part dans notre capitale on ne rencontre des agents de services publics qui procèdent au nettoiement de la voirie. Les caniveaux sont tous remplis d’immondices baignant dans des eaux putrides.

Le climat social est morose, c’est le moins que l’on puisse dire.

La tension sociale est palpable, tout comme la misère des populations. J’ai vu au niveau des ronds-points dans la même journée deux batailles rangées opposant policiers aux motocyclistes qu’ils avaient arrêtés pour les rançonner, car les agents de police ne donnent pas de P.V. Inutile de parler dans ce contexte de l’absence de politesse, de courtoisie, de respect mutuel ou de quelque civilité que ce soit ! La violence et les conflits sont partout. On lit la tristesse et l’inquiétude sur les visages par le manque de perspective et la pauvreté. La misère sociale est évidente.

L’épisode de Siguiri.

Partis de Conakry à 5heures 15min nous sommes arrivés à Siguiri après 20 heures ! Environ 15heures sur 780 kilomètres soit une moyenne de 50kms/heure. Sur ces 780kms la seule portion où la voiture peut rouler à 80kms/h concerne les 200kms entre Kouroussa et Siguiri.
De Conakry à Siguiri, j’ai été frappé par l’état de dégradation de la végétation après les feux de brousse qui ont littéralement dévasté les campagnes. Je me suis demandé, s’il y avait des gardes forestiers en Guinée ? Est-ce qu’il y a un ministère des eaux et forêts dans notre pays ? Car effectivement nos forêts sont en train de disparaître irrémédiablement dans les feux de brousse, un réel désastre! Déjà il faut noter que pendant cette saison sèche, le fleuve Niger est pratiquement à sec dans toute la région de la Haute-Guinée.
Arrivé à Siguiri, on est accueilli par une pollution généralisée : le vacarme des motos, la poussière et la fumée des vieilles voitures. Partout la ville est jonchée des carcasses de voitures dépouillées par les « mécaniciens » souvent des mineurs. Ces garages sauvages sont joliment nommés par les habitants « la casse.»

Les villages aurifères aux alentours de Siguiri ressemblent à des ruines de champs de bataille après une guerre ! Il y a deux ans Siguiri et d’autres villes de la Haute-Guinée comme Mandiana et Kouroussa ont connu « une véritable ruée vers l’or ». Cette exploitation anarchique de l’or par des personnes venues de toute part aussi bien de l’intérieur de la Guinée que des pays voisins se faisait sans aucune réglementation, dans une confusion complète et un laisser-aller total du pouvoir exécutif. Ces exploitants n’avaient pas de permis d’exploitation et ne payaient aucune taxe à l’Etat !

C’est donc à cause de la politique de laisser-faire du pouvoir actuel que ces exploitants sont venus dévaster, saccager les zones aurifères et les terres cultivables, polluer les cours d’eau, bref détruire la faune et la flore.
C’est seulement maintenant, comme par hasard après l’élection présidentielle d’octobre 2015, en janvier 2016 que le pouvoir s’est réveillé pour faire déguerpir manu-militari ces exploitants illégaux.

Chers compatriotes, Guinéennes et Guinéens rendons nous à l’évidence : notre pays souffre terriblement jusqu’aujourd’hui de la mal-gouvernance des pouvoirs successifs depuis 1958 !
Je sais, que beaucoup de compatriotes diront que je me répète , que je dis toujours la même chose, c’est sûrement vrai, mais personne ne peut nier que notre pays va mal, le pays est bloqué. Ce blocage est total : politique, économique, juridique, sécuritaire, sanitaire, éducatif, socio-culturel…
Sur le plan politique les « deux grands partis »: le R-P-G-Arc-en-ciel et l’U.F.D.G. sont dans une situation de crise interne grave, une véritable guerre de tranchées dans les états-majors. L’opposition n’a jamais eu une dynamique unitaire, ni de projet politique cohérent. Le pouvoir actuel tâtonne ; li n’a ni vision, ni projet, ni perspective pour la Guinée et il est enfermé dans un refus d’un vrai et sincère dialogue avec l’opposition.

Pendant ce temps les populations sont de plus en plus enlisées dans la pauvreté et dans la misère, le pays noyé dans une propagande des thuriféraires de la mouvance et dans un électoralisme interminable de l’ensemble de la classe politique !
Quand on regarde objectivement l’état de notre capitale, de nos villes et villages, de notre pays dans ensemble, on se dit que la Guinée a réellement besoin aujourd’hui de façon vitale d’un Consensus National sur les grands sujets, qui concernent le passé et l’avenir de notre Nation, comme par exemple la réforme de l’Etat. Ce consensus est indispensable et passe obligatoirement par un Dialogue National Inclusif pour une saine Réconciliation.

Au-delà des intérêts partisans, et de la politique politicienne clanique d’exclusion ; il est plus que temps que le président de la république convoque des Assises Nationales, afin que les forces vives du pays fassent sans complaisance, ni parti pris un vrai et bon diagnostic de l’état morbide de la Guinée.
Pour bien soigner et guérir un patient le médecin doit faire le bon diagnostic de la maladie en cherchant d’abord sa cause, comprendre le mécanisme et les manifestations, pour enfin donner le traitement adéquat.

Vive la Paix
Vive la Guinée.
Dr. B .Diakité

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